L’abandon


Comme si le sol de la mer

Etincelant en ses heures de crépuscule

Suffisait pour dire

Tandis que le poème cherche le do

Pour profondeur de mécanique

Qui ne trahit jamais le mystère.

Effleurer sans jamais se tremper

Parce qu’on t’a dit de ne pas te mouiller

Te rend aveugle

Sans le toucher qui permet de lire

Mais pire encore sont ceux

Qui tue l’enfant qu’ils sont

Après avoir pris le bain.

Doute bien rangé


Je laisse au fond d’un tiroir les ciseaux de mes mots pour ne pas couper ton sommeil et briser le rêve que je n’ose faire mien.

Le doute ménage le goût de la sucrerie qui s’offre en tes yeux comme un gouter d’enfant.

Sauf ce ruban de mots, tout est bien rangé.

Le temps de l’amour


L’amour est enfant.
Il est étonnement
De nuages dans le ciel
Sans aucune infecte stupeur
D’une pluie résignant au foyer.
De l’âtre, rien n’exige la chaleur,
Des rues, rien n’exige de parapluie
Tous les lieux s’écoulent ou s’illuminent
Toujours légers et vaporeux
En source fraîche d’enfance
Avant que pour le monde
L’amour ne soit pluie.

Automne


Sous les rêves devenus froids et secs, l’enfant transparent jouait avec les cadavres de son printemps.

Comme pour profiter des dernières couleurs, de ses doigts verts et inombrables, le jardinier tentait d’ordonner la mort.

Mais ne vivant qu’au présent, le vent se moquait de ce que disait l’instant.

Regards divers


Sur l’allée, se croisent des regards divers chargés et amères, sous trois cent soixante degrés glacés et transparents, des toiles d’hiver.

 

Sur le côté, de galaxies de branches en folie de brises fraîches comme le sourire de l’enfant qui, bras levés, sur trois cent soixante degrés,  fait la gourmandise de l’instant, pour tout fourrage, passent les étoiles d’automne.

Cycle


De deux étrangers

Qui n’avaient de cesse

De trop t’imager,

De leur népenthès,

 

Dans leur espérance,

Comme un voyageur,

Tu offres  silence

De toutes tes heures.

 

De l’eau et du ciel

Enfant de naguère

Vers l’éclat tel miel

Tu t’envoles des terres.

 

Te voici nuage

Couverture des cris

Libéré des âges,

Et l’escroquerie

 

Du profond souffle,

Par eux expirés,

N’est que mistoufle

Dès lors méprisée.

 

Pourtant à jamais

De mer vers lumière

Le mois de mai

Se souvient d’hier.

 

Vers des terres nouvelles

En couloir des vents

Tu pars blanche et belle

En espoir fervent

 

Pour alors donner

En larmes de vie

L’enfant des années

Des chants des envies.

 

Ancre de tes pages,

A ton tour deviens

Mère de ton ouvrage

Et lit des étoiles.

Souvenirs en lit de rêves


Berceau d’étoiles aux branches invisibles

Plongées dans un seau de survie

En guise de magasin sur un trottoir

Caressé par le dieu des mimosas

Dans sa douceur hivernale et prometteuse

Des couleurs du printemps à venir,

 

Furtif parfum en rire de lumière

Courant en joie comme un enfant

Transparent aux rides faisant couronne

Du regard de leur gardienne qui se sert

De la magie de l’éclat fleuri

Sans plus croire à son langage,

 

La poésie n’est cependant pas bourgeoise.

Elle est la noblesse d’être du temps

Avec la lumière de tous les instants.

Le passant dédaigne le rire,

La marchande s’expose au silence

De larmes sèches arrachées par tous les vents.

 

Pour tous, habillés de nuit,

En sérieuse hiérarchie d’austérité,

C’est une opportunité simple

Au demeurant naïve et manquée

Comme une honte de souvenirs

En paisible lit de rêves pourtant éternels.

Quand soudain…


Tandis que la place s’étale dans un bruit diffus, le temps se fige par la lumière de ton regard habillé par la malice de ton sourire à faire blêmir celui de la nuit. Il n’est plus d’autre étoile dans mon souffle saccadé, en voyage sans boussole, guidé par un vent de tempête à la seule rigueur de ta caresse.

Quand soudain…

Le silence prend sens. Nous errons depuis quelques mots d’inconnus médusés dans l’étonnement qui se refuse  à sa raison. Il se répète comme pour revenir sur une erreur.

Quand soudain…

Certain du langage, la colère reprend le silence. Son souffle léger s’envole, irrattrapable comme un enfant qui court avec le rire de toutes les émotions. Tristesse, colère et peur se mélangent avec la joie encore vivace de l’instant d’avant.

Quand soudain…

Notre essentiel naissant devient malgré nous indécent. La joie est morte : fusillée loin de là. Il n’y a plus de lieux, plus de couleurs. Les larmes sont encore en caverne tandis que le soleil pétillant de nos verres n’a plus d’inclination dans ses messages de toute soif.

Quand soudain…

Le premier temps d’un amour qui s’avoue éclate avec l’écho des canons sans aucune raison tandis que d’autres, voilés par la folie, meurtriers et ignorants de la lumière de ces instants, se font exploser pour des idées aspergeant sur notre idylle comme sur leurs victimes une mort pour rien.

Quand soudain…

Il n’est plus d’autre étoile dans le souffle saccadé du monde, en voyage sans boussole, guidé par un vent de tempête à la seule rigueur du chaos.

D’hier et de demain


d'hier et de demain1

Photographies : Boris Sentenac, droits réservés

La chapelle, gardée par quelques cyprès : fidèles flèches figées vers l’éternité, apparaît comme secret d’un souvenir vivant pareil aux murmures des prières désertées. Sa perspective telle une caresse sur les collines s’abandonnant à la mer séductrice de la lumière vouée à sa noyade nous dicte notre espoir.

Mensonge furtif de sérénité sur l’abandon tenace et obligé de l’enfant aux cris silencieux de sa mort inaccomplie, retour en bénédiction bleue sur la vérité de l’inexistence de l’horizon. Mer contre terre, jour contre lueurs, joies et peurs s’étalent autour de l’instant que nous gardaient les innombrables et centenaires suves pareils à une armée en campagne sur la misère fructueuse comme la raison bien pensante sur nos sourires, restés simples et essentiels, habillés d’hier et de demain.

Manège de graine


Manège de graine

Photos : B. Sentenac

Je me souviens, enfant, dans ce parc aux marronniers fournis se faisant ciel des soirées de fêtes braillardes, tournoyantes et comme insultant la nuit. Pour quelques sous se faisant promesse de la lune contre quelques tickets de droits, pour rêver en cadence de grosses caisses, je me faisais pilote d’ailleurs vers nulle part.

D’une graine qui s’est faite tronc secret de ses pleurs suspendus pareils à l’oubli du socle de l’union comme rêve perdu d’amoureux subitement éveillés, en fontaine verte, le saule se fait caverne en ronde de larmes retenues par l’élan retombant alourdi par sa vie. Comme une couronne qui sait la révérence, le saule trône sur mon jardin.

Me voila, enfant mort, face à ce manège vert en attente vaine mais immuable de rires par ses pleurs éclairés, s’étirant comme lassé, pour contrer la patience précédant l’éternité pourtant déjà à jamais entamée.