La respiration du monde
S’étale sur la mémoire du sable
Qu’elle façonne à chaque souffle
Tandis que reste enfoui
Ce qui fait la plage.
mémoire
Souffles
Il y a ce qui s’oublie sans s’effacer, tout ce qui devient fluide et insaisissable, ce qui noie et reste pourtant source de vie. Il y a les élans taillés qui offrent leur place qui ne pouvait être qu’une promesse perdue pour d’autres élans insoupçonnés ou bien justes redéfinis et qui parlent des choix infinis. Il y a toutes les opinions qui sont restées sans une pensée et toutes les pensées qui ont sombrées en opinions. Tous les mots bavards qui ont fait sans le savoir les mots de silence cachés sous la poussière qui les a réécrits.
Et puis il y a tous ces soleils restés toujours les mêmes et habillés de millions de nuages qui ont fait chaque jour. Il y a eu cette habitude quotidienne qui reste à vivre comme encore une première chance derrière la fatigue de toutes les nombreuses autres qui brillent pendant la nuit pour mort des jours et faisant pourtant en la trompant carte pour chacun. L’espoir s’il n’est pas en chacun de nos souffles est forcément dans l’un d’eux. En ce souffle qui nous étire comme un sourire qui se moque de nos larmes parce qu’il vaut mieux ne les avoir qu’en mémoire offerte à la lumière qui en fait des gouttes de nuages. Vivre est un voyage qui n’est fidèle à aucun vent qu’à celui que chacun souffle.
Devenir de mots vagues
Aussi dur qu’un souvenir fatigué et imprégné de l’éclat des nuits,
Lit des vagues qui tentent l’oubli par les ordres des lumières
Chahutées par la danse invisible et longue de ses sept temps
Qui se répètent en illusion d’éternité et que seul le chant des vents
Ponctue pour rappeler à la vie et en faire le nécessaire sur les rides,
Le fossile découpe en silence l’éphémère interminable des tisseuses d’écumes
Pour phrases de marées s’élevant pour se retirer
Comme le bonheur des hommes et dont il ne reste
Que la mémoire et son écho de tous les mots prononcés
En langue morte devenue mystère de son berceau et figé comme un tombeau.
Importance du doute
Que dire des nuages blancs sur ciel bleu et que nous disent -ils de leur légèreté faite d’essentiel ?
D’ici, la confiance en l’oubli fait taire le doute. Mais elle est grossière tandis que la mémoire cherche toujours le mot juste mais finit aussi par ne trouver que son doute.
On finit par vivre, confus, sous tous les cieux sans qu’aucun ne soit important.
Rue de la mémoire
Chaque goutte de pluie est comme une fraction d’éternité qui s’étale sur le trottoir de la mémoire.
La rigole s’abreuve de l’oubli tandis que le bitume brille pour mes pas destinés à trouver autre lumière que celle de sa rue.
En corbeau de prairie je chasse, immuable et sans distinction, les nombreux pigeons et les rares colombes.
Et dans les égouts, mon enfance rit encore en sautant dans quelques flaques d’erreurs englouties.
De l’eau et de la lumière il me reste en poche quelques mots gentils pour quelques soleils en verres.
Je sais la banalité qu’hier n’est plus et que rien n’est certain pour demain sinon que l’espoir d’un éclat encore obscur.
Rien n’est grave puisque tout peut l’être et puisque savoir ne suffit pas, puisque rien n’existe sans son contraire,
En traversant la rue, chaque goutte de pluie est comme une fraction d’étoile qui s’étale sur le trottoir de la mémoire.
L’infini s’écoule
Les quelques gravas de saisons oubliées par les temps qui courent me rappellent à la mémoire l’odeur de la pluie furtive dont on s’étonne qu’elle fût et presque sans qu’on ne s’en aperçut.
Il me semble qu’elle est telle ma mémoire vaporeuse en langage étouffé qui déchire le vertige du fossé de la ride.
Et me voilà bavard pour saisir le temps en sens tandis que la lumière sans rien dire continue son voyage.
Je la sais aller loin au-dessus de l’océan qui compte, par chacune de ses vagues et en autant de réminiscences issues de mon odyssée, le temps infini qui pourtant s’écoule.
Souvenirs à vendre
La patience de l’hiver s’étirait depuis les cheminées et s’étendait dans les rues et dans ma mémoire en devenir.
Il n’y a plus de feu dans le foyer et les maisons se parlent dans un langage d’abandon depuis leurs fenêtres.
Certaines scrutent la rue avec leurs vitres dans la cataracte de poussière à l’âge figé d’une vieille et de vestiges d’araignées qui, comme elle, ont cessé d’y tisser leurs ouvrages.
D’autres crient « A VENDRE » en ultime langage d’un temps parti rouler ses « rrr » dans le repos du cimetière.
Dès lors, le souvenir des rues échappe à mon langage d’une patience éteinte et s’étend en odeur transparente dans ma mémoire figée.
Nul besoin de compter
Seul le minéral, entre le néant et l’éternité,
N’a qu’un seul âge.
Nous vivant, entre la mémoire et notre imagination,
Les avons tous.
Révolution
Ce matin, le ciel a la couleur du journal
Survolé des certitudes de chacun.
Ce soir, la terre aura la couleur de la nuit
Enveloppante des rêves de tous.
Entre deux, l’essentiel : nos yeux verront,
Transparente, notre mémoire de l’un envers l’autre
Puis, comme planètes, ils révolutionneront,
Réunis à nouveau, le silence furtif.
Monde à venir
Phares endormis d’un temps de mémoire dans un océan du temps aveugle de lumière, l’éclat en silence habille en ombre la flèche s’étirant vers les étoiles invisibles.
Sur la lumière se dessine l’hiver où à chaque extrémité se disent toutes les promesses en solitude froide.
Le rempart des fenêtres, chacune unique pour le même reflet, fait secret les regards comme autant de vérités qui s’unissent dans le même mensonge, décrié mais consenti, de la cité.
Espoir perdu de bâtisseurs, on accuse le temps d’en être le voleur pour continuer la persuasion de la raison.
Océan du temps aveugle de lumière sur phares endormis d’un temps de cauchemar à venir, l’éclat en tintement n’habille qu’en nombre l’indice s’écrasant sur nos larmes d’étoiles.